Still / Journées du Patrimoine
Des briques et des hommes
Ce week-end, la tuilerie Sonntag de Still a ouvert ses portes au public pour la première fois depuis sa fermeture en 1962, à l'occasion des journées du Patrimoine. Les curieux sont venus en nombre.

Betty et Marie expliquent le procédé de perforation des briques... et se font aider par un visiteur. (Photo DNA)

« Petites, on jouait à cache-cache dans le four à briques... » Marie et Betty, petites-filles du dernier tuilier de la famille Sonntag, ont bien grandi depuis. Et maintenant, ce sont elles qui font redécouvrir le patrimoine de leur famille, qui est aussi celui de tout le village.
 Un patrimoine rouge brique et qui colle aux basques, comme la terre glaise. « La carrière à ciel ouvert, derrière les bâtiments, s'est mécanisée après guerre » expliquent les soeurs, à tour de rôle. La machine, monstre désarticulé entièrement couvert de rouille, expose aux frondaisons ses entrailles de chaînes et de poulies. Ici et là, des rails - redécouverts avec l'aide de la société d'Histoire de Mutzig et environs - défigurés par un arbre jeunot.

« 1,8 millions de briques
pleines et 0,9 millions de
briques perforées par an »

 « Alors, les godets prenaient la terre dans ce sens... Euh, non. Plutôt dans l'autre... » Les frangines ne sont pas très calées mécanique. Et sont vite « récupérées » par des visiteurs plus à fond dans les boulons. Au final, tout le monde s'y met dans les supputations. Avides de questions, ils sont une petite vingtaine à être venus visiter la tuilerie « qui n'en est pas une, puisqu'en fait, ce sont des tuiles qu'ils faisaient, non ? » « Ils fabriquaient quelques tuiles, mais c'est toujours resté manuel. » Ça, elles savent. Il y a quatre étapes dans la fabrication d'une brique : extraction de la terre, fabrication, séchage et cuisson. Chacune est expliquée avec force schémas dans un film projeté avant la visite. L'on y voit le procédé du four tournant Hoffmann, installé à Still en 1865, chauffant progressivement à 1000°C. « En pleine activité, 1,8 millions de briques pleines et 0,9 million de briques perforées étaient produites par an. »
 Chaque jour, les ouvriers enfournaient 10 000 nouvelles briques dans le four allumé de mars à la Toussaint. Elles y restaient une semaine, le temps de subir le « feu tournant ».
 Parmi la dizaine d'ouvriers de l'entreprise, beaucoup d'Italiens, qui ont apporté leur savoir-faire et ont fini par s'installer à Still. Des prisonniers allemands ont aussi travaillé là. « Il y en a un qui s'est échappé... Et on est en contact avec lui ! ». Les deux soeurs ont aussi récupéré avec joie un film tourné par un ouvrier émigré aux États-Unis, et revenu plus tard armé d'une caméra. « Un document précieux. »

« La famille a toujours voulu
conserver ce patrimoine »

 Aujourd'hui, il reste encore beaucoup de points à éclaircir, tant sur les procédés de fabrication que sur le quotidien de la tuilerie. Les bâtiments sont en quasi-ruines, même si quelques installations ont d'ores et déjà été sauvées. « Les Sonntag sont là depuis plusieurs générations... La famille a toujours voulu conserver ce patrimoine. »
 En 1962, la tuilerie a été fermée « du jour au lendemain », ce qui explique que tout ait été laissé en l'état. Hormis les dommages du temps, l'ensemble fait encore l'effet, plus de quarante ans après, d'avoir été abandonné dans la précipitation. Comme si ouvriers et contremaîtres venaient à l'instant de jeter leurs gants, brouettes et briques...

J. R.

© Dernières Nouvelles d'Alsace  - Lundi 18 septembre 2006

418

Quelques manifestations ont sans doute pâti de la météo, mais, globalement, les journées du patrimoine ont encore été couronnées de succès. Ainsi à Still, où la tuilerie ouvrait ses portes au public pour la première fois depuis sa fermeture en 1962. Marie et Betty, petites-filles du dernier tuilier de la famille Sonntag, et la société d'histoire de Mutzig et environs ont accueilli 418 personnes sur le site durant le week-end.

© Dernières Nouvelles d'Alsace  - Mardi 19 septembre 2006